Turas math le Mgr Burns ! – Chapitre 4

Un besoin d’évasion ? Rien de mieux qu’un univers boréal ! Une terre de vents, de pluies, de brumes mais aussi de sang sur fonds de parfums de tourbe, de bruyère, de mousse et de lichens. Côtes profondes avec leurs barques aux voiles battant au norois, sentiers de traque du haggis, l’animal mythique qu’on cherche encore à chasser, sans doute pour remplacer le renard. Sons de cornemuses qui résonnent longtemps par delà les lochs bleus de nuit. Des gens, rudes mais ouverts, pour qui solidarité et identité ne sont pas des idées philosophiques mais une pratique quotidienne des sentiments.


Alors, « Bonne route avec Monsieur Burns ! » pour les terres,
non du Scotland, mais de l’Alba par ses chemins éternels vers la liberté !

Le haggis, toute une histoire à rétablir !

Un plat rustique pour paysan laborieux

Contrairement à ce qu’un humoriste français, un certain Jaques Bodoin, a voulu faire croire, quand on en mange, on ne regrette pas que ce ne soit pas de la m… Il avouera un jour qu’il n’en avait jamais mangé ! Au premier abord, par la forme flasque, on pense effectivement à une bouse de vache fraîche. L’aspect est trompeur mais pas l’odeur et le goût ! C’est une panse de brebis – maintenant un boyau synthétique – farcie d’un hachis à base de viande, traditionnellement des abats de mouton (poumons, foie et coeur), d’oignons (puissant antiseptique), d’avoine et de graisse de rognon de mouton. Sel et épices à volonté selon les familles. Ce qu’on appelle par nos campagnes « un plat paysan ».


La préparation est enfermée dans une panse de mouton et cuite pendant quelques heures… pour donner en fin de cuisson une sorte de ballon dans une poche trop grande. Les chefs de la nouvelle cuisine écossaise ont innové avec des variantes où porc et boeuf remplacent le mouton. La version TexMex a fait place à la végétarienne et maintenant végétalienne avec avoine, son, blé et lentilles ! Le haggis existe même en barquette micro-ondable ! Pour ne pas être en reste, les traditionalistes ont inventé le « haggis royal » en ajoutant au haggis de toujours une sauce au whisky !

C’est un plat historique, vieux comme le monde de la grande famille culinaire des saucisses. On en trouve dans l’Odyssée d’Homère : « Tel un homme qui sur un feu ardent tourne en tous sens un ventre bien rempli de graisse et de sang, qu’il a hâte de voir bien grillé, Ulysse se tournait… ». Peut-être une recette de chasseurs pour cuisiner rapidement, sans transporter de récipients de cuisine. Sans doute plus sûrement, un plat d’accompagnement des conducteurs de troupeau des Highlands. Lorsque les hommes devaient conduire leurs bêtes jusqu’à Édimbourg pour la vente, les femmes préparaient des rations de voyage qu’ils puissent manger tout au long de la journée. La préparation achevée, elles l’emballaient dans un estomac de brebis pour faciliter le transport.


Version sport : le lancer de haggis

Le lancer de haggis ou « haggis hurling » est une activité sportive pratiquée principalement pendant les festivals d’été de jeux traditionnels des Highlands. Les origines supposées de ce sport sont les mêmes que celle du haggis : lorsque les conducteurs de troupeau allaient à Édimbourg et que leurs femmes leur préparaient du haggis pour la route, celles d’un petit village des Highlands traversé par une rivière lançaient le haggis par-dessus celle-ci et leurs maris le rattrapaient dans leur kilt. Pratique la jupette !

Cette activité est très codifiée en Écosse. Pas un sport de fillette ! Dans un premier temps, le haggis est cuisiné suivant une tradition spécifique intégrée au règlement. Le jury vérifie le haggis avant chaque lancer, à la recherche de défauts. Debout sur un tonneau, le candidat lance son haggis de 500 grammes (merci l’Europe). Différentes postures sont exécutées durant le lancer : la contorsion, le pivotement, la rotation, le transfert de puissance et la sortie. Attention ! Le haggis doit être consommable à la fin du lancer : si le haggis éclate, le candidat est automatiquement disqualifié. La note finale est une composition des notes données pour chaque étape, auxquelles on ajoute celle de la distance parcourue par le haggis. Le record du monde est de 66 m, établi le 11 juin 2011.


Version aventure : la chasse au haggis sauvage

Avec le développement des moyens de transport et donc de son rejeton, le tourisme, le haggis a donné naissance au XXème siècle à diverses légendes. L’une d’elles est devenue une blague récurrente à l’adresse des voyageurs étrangers, essentiellement anglo-saxons et particulièrement des Anglais. Il est fréquent qu’un Écossais explique que la viande servant à préparer le haggis est de la viande de haggis sauvage, créature des Highlands ressemblant à un oiseau dont les ailes se seraient atrophiées au cours de son évolution, à la manière des autruches. Une sorte de kiwi boréal !

Haggis sauvage. Il parait qu’il pond des “scottish eggs” …

Un sondage publié dans le journal écossais Guardian, le 27 novembre 2003, révèle que le mythe du haggis contribue grandement au tourisme puisqu’un tiers des visiteurs américains croient à cette légende et 23 % d’entre eux sont venus dans l’espoir d’attraper un haggis ou de participer à une chasse au haggis.


Version musicale : cri du haggis et cornemuse

Une légende écossaise, mais celle-là plus ancienne, prétend que le cri du haggis en cuisson serait à l’origine de la cornemuse. Le son que fait une cornemuse pour se remplir d’air avant de commencer à jouer en serait une parfaite imitation. Plus tard, on dira que la cornemuse aurait ainsi été inventée dans le but de faciliter la chasse au haggis, car lorsqu’un haggis est menacé par un prédateur, il pousserait son cri, appelant tous ses congénères à son aide. Histoire, encore une fois, de célébrer la solidarité clanique !

Les Écossais sont vraiment des amateurs de farces ! Mais vous avez compris que le « Burns nicht » n’est pas une formalité vite expédiée. Impossible de clore une cérémonie, version familiale, en moins de trois heures. Celle du château d’Édimbourg, la mienne, avait durée près de cinq heures ! Mais avec la ferveur ambiante, vite partagée, le temps passe si vite. Cinquante ans plus tard, je m’en souviens suffisamment pour vous l’avoir contée.

Bon appétit s’il vous en reste et à vous revoir !

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