Requiem pour Londres

Un billet d’humeur noire de Patrick DESAINT

How is it going ?

L’économie britannique sombre avec le Brexit, sans que la Covid-19 y ajoute sa pesanteur. Exportations en baisse abyssale, secteurs sinistrés, pêche à l’arrêt, mode à la dérive, désertification des étales… Et maintenant Londres perd sa couronne de première place boursière européenne. Le chroniqueur du Financial Times, le quotidien de la City, défaille : “Londres n’est plus la première place boursière européenne. La City, coeur historique de la finance européenne, s’est fait détrôner par Amsterdam”.

En janvier, par jour, 9,2 milliards d’euros d’actions ont été échangés sur la Bourse d’Amsterdam contre 8,6 milliards d’euros à Londres sur les 14,6 d’avant ! Paniques chez les traders ! En six semaines d’un départ enfin effectif, douche froide de la superbe anglaise. Un symbole s’écroule dans le fracas de l’indifférence d’un public qui doit panser ses plaies. Les oracles espéraient une descente en pente douce et c’est une descente brutale vers les enfers. Du mou attendu, on a du sévère. « En janvier, près de la moitié des volumes de transactions sur les actions européennes ont été transférés de Londres vers des Bourses d’Europe continentale, comme Amsterdam, où les volumes ont été multipliés par quatre, mais aussi Paris et Francfort ». Paris aussi ! La claque !

La cause ? L’absence de parachute. Pour la finance, il y a eu « no deal » : Aucune équivalence aux services financiers de Londres pour opérer sur le continent. La faute au Premier Ministre Boris Johnson qui a préféré se battre pied à pied pour les pêcheurs plutôt que pour les traders. Il avait dit « pour plus tard » … mais c’est maintenant ! Les négociations financières vont s’ouvrir et Londres est dans les cordes.

Le ton monte. Mais sinon, ça va !


A bad thing never comes alone !


Le Brexit, c’est pour l’Union européenne la perte de 0,5 point de PIB d’ici fin 2022, mais plus de quatre fois plus pour le Royaume-Uni (2,25). C’est aussi l’exode, pas celle du « Blitz krieg », mais celle du « Brexit plus Covid ». Londres – encore elle – perd de sa superbe : 700 000 habitants ont fait leur valise, soit 8 % de sa population. Les étrangers devenus indésirables en premier. Heureusement que l’économie souffre, sinon on manquerait encore plus cruellement de main d’oeuvre servile, déjà que les agriculteurs se plaignent du manque de cueilleurs et de ramasseurs !

Ailleurs, c’est l’effondrement des exportations qui marque. Les ports britanniques voient leur trafic vers l’Union Européenne chuter de 68 % en janvier. Et voilà que les Allemands s’en mêlent : le transporteur DB Schenker refuse de livrer des marchandises outre-Manche : trop compliqué ! Depuis une demi-décennie, l’Allemagne ne regarde plus vers l’Angleterre mais bien plus loin, à l’ouest et à l’est.

Voilà que le Brexit a ses oubliés qui donnent de la voix. Les travailleurs britanniques sont à la peine : les exportations de viande vers l’UE sont au quart de leur niveau de l’an dernier, les pêcheurs écossais perdent plus d’un million d’euros par jour ! Le monde de la culture lève le doigt ! Celui de l’université s’inquiète ! Et l’Irlande du Nord voit se vider les rayons de ses supermarchés. En cause, les contrôles douaniers post-Brexit sur les produits agroalimentaires ! Le protocole, conçu pour maintenir une frontière ouverte sur l’île d’Irlande, fait que que l’Irlande du Nord reste dans le marché unique des biens, contrairement au reste du Royaume-Uni. D’où les contrôles … entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord ! Premiers pas de la désintégration d’un royaume mal en point, jouet d’un seul homme… qui doit réagir vite, la « période de grâce » s’achève le 1er avril ! Sans blague ! La parade ? Demander un sursis jusqu’en 2023. Rejet de Maroš Šefčovič, le commissaire slovaque européen chargé du suivi de l’accord commercial avec le Royaume-Uni.

Fin du premier mois de séparation. Sinon, tout va bien !