Turas math le Mgr Burns ! – Chapitre 2

Un besoin d’évasion ? Rien de mieux qu’un univers boréal ! Une terre de vents, de pluies, de brumes mais aussi de sang sur fonds de parfums de tourbe, de bruyère, de mousse et de lichens. Côtes profondes avec leurs barques aux voiles battant au norois, sentiers de traque du haggis, l’animal mythique qu’on cherche encore à chasser, sans doute pour remplacer le renard. Sons de cornemuses qui résonnent longtemps par delà les lochs bleus de nuit. Des gens, rudes mais ouverts, pour qui solidarité et identité ne sont pas des idées philosophiques mais une pratique quotidienne des sentiments.


Alors, « Bonne route avec Monsieur Burns ! » pour les terres,
non du Scotland, mais de l’Alba par ses chemins éternels vers la liberté !

Ossian, le Barde de la discorde

Un livre ouvert sur un illustre passé pour une bataille…

Si l’Écosse permet de voyager un peu hors du temps – les mauvaises langues diront que c’est peut-être en raison des brouillards persistants qui quittent les hauteurs pour se mêler aux brumes marines – le pays d’Ossian fait toujours rêver au XXI ème siècle. Ossian ! Ce barde écossais du III ème siècle, dont les poèmes gaéliques furent traduits en anglais vers 1760 par James Mac Pherson.


Ces vers eurent un énorme retentissement dans toute l’Europe puisqu’on y fait trouver aujourd’hui l’origine du romantisme. Le jeune Werther, dans ses souffrances, s’en servira par l’entremise de Goethe, le chantre du romantisme. Ce sera le lancement de la celtomanie dans toute l’Europe qui voulut y trouver l’origine de ses nations. Au grand dam des Anglais qui s’accrochaient à la seule origine gréco-romaine de sa population, au nom d’une illusoire homogénéité ethnique que de longs conflits écossais, gallois et irlandais avaient jusqu’à là empêchée. Depuis, des tests génétiques à grande échelle ont démontré l’invraisemblance de l’imposture des origines. Toute l’Europe s’y mis, même l’historien français Ernest Renan, pourtant sérieux, imagina une conversation entre Ossian et saint Patrick !

L’emprise qu’avait Ossian sur Napoléon explique peut-être aussi l’hostilité des Anglais contre le monde celte et la culture celtique. Il avait choisit le nom de Dermide, celui d’un de ses héros, comme prénom de son neveu Louis, Napoléon (1798-1808), le fils de sa soeur Pauline. Haro toujours aux ennemis de la couronne !


… Qui conduit à sortir l’ennemi ancestral du jeu local !

La guerre des origines a occupé tout le XIX ème siècle et persiste encore dans la mémoire écossaise. Elle se résume par quelques axiomes simples voulant démontrer l’inconsistance de l’origine anglo-saxonne :
⬤ Les Angles sont des germains du Schleswig,
⬤ Leurs proches voisins Saxons sont tout aussi germaniques,
⬤ Tout comme les Normands, venus encore d’un peu plus haut dans le septentrion.

De là, à dire que les Anglais n’existent pas ? Dans une conversation de soirée whiskienne à laquelle je fus invité, mon hôte convint que le mythe anglais était une construction artificielle. Provocation ? Que nenni ! ajouta-t-il. Mais pourquoi donc ? Parce que sans racines ! Pour un Écossais, être anglais est une invention de l’esprit, une création ex nihilo, d’où, il faut bien le reconnaître, sa propension à l’adaptation jusqu’au revirement, bien dans l’ère de notre époque de mondialisation hors sol. Et de me confier, le sourire en coin, que le manque de racines va jusqu’à la cour. Et les républicains écossais d’ajouter que les Winsor sont des Saxe-Cobourg-Gotha camouflés, une petite branche cadette de l’illustre maison de Wettin ! C’est dit.

Ethnographiquement, il faut reconnaître que les seuls peuples premiers de la protohistoire européenne sur la grande île sont les Celtes, originaires du noyau Hallstat, quelque part autour de la Bohème. Seule la surpopulation des premiers siècles de notre ère avait pu pousser ces populations sur un territoire si hostile, balayé par les vents et les pluies.


Mais quelle langue parlez-vous ?

Qui a entendu un Écossais parler se pose la question d’un soudain changement de planète. Même chose à l’examen de la signalisation routière ! On croit comprendre et on se trompe. C’est que l’Écosse a deux langues officielles : l’anglais – fortement teinté d’accent scots et de particularités lexicales et grammaticales – et le gaélique écossais… plus une langue régionale, le scots – une langue germanique proche de l’anglais moderne – , reconnue par la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. D’où une autre source de discorde autour du Brexit ! Les Écossais anglophones vivent dans le centre et le sud de l’Écosse, la partie que les Anglais avaient fortement colonisé pour son … utilité économique. On n’est pas marchand pour rien ! Les celtophones se rencontrent surtout au nord et dans les îles.

La langue de tous les jours est l’anglais écossais. Une interférence linguistique entre le scots et l’anglais, peu sensible dans la grammaire mais surtout dans la prononciation et les mots qui lui sont propres (outwith pour outside of, wee pour little, pinkie pour little finger, janitor pour caretaker). Mais le plus curieux est le gaélique écossais, le Gàidhlig, assez comparable au Gaeilge parlé en Irlande. C’est la langue qui franchit les distances – ses sons portent loin malgré le climat – dans les Highlands, dans les îles, jusqu’en NouvelleÉcosse (notamment l’île du Cap-Breton). Il faut y voir là encore l’expulsion forcée de paysans écossais par des grands propriétaires terriens du XIXème siècle pour peupler le Canada et le défrançiser. Encore une source de récriminations perpétuelles !


Le Scots resterait presque anecdotique car dépourvu de soutien pouvant réguler et adapter la langue au monde actuel. Le poète Robert Burns reste l’un des écrivains de langue scots les plus connus et les plus populaires.

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