De la noisette dans l’imaginaire allemand

Une itinérance germanique de Patrick DESAINT

La noisette – avec son arbre, le coudrier – a joué un très grand rôle dans la symbolique des peuples germaniques. Tout commence aux temps origines, où Iduna, déesse de la vie et de la fertilité chez les tribus proches de la Baltique, est libérée par Loki, dieu de la malice et de l’illusion qui a pris pour l’occasion l’aspect d’un faucon. Pour réussir cet exploit, il a transformé la belle…en noisette, bien plus facile à emporter entre ses griffes ! Une vieille croyance nordique donne au coudrier des capacités de fécondation remarquables.

Ne croyez surtout pas que c’est une légende qui n’a plus cours ! C’est toujours en vigueur puisqu’une coutume de la ville de Hanovre fait que les témoins et invités à un mariage crient encore, au passage des jeunes mariés : « Hazelnut ! Hazelnut ! » (Noisette ! Noisette !). Et chacun d’attendre, avec une impatience un peu coquine, le troisième jours des noces : celui où la jeune mariée s’affichera à la fenêtre du logis pour distribuer… des noisettes ! Signe que l’union…a bien été consommée ! L’expression allemande, un peu grivoise je vous l’accorde, « Casser des noisettes » signifie toujours… avoir une bonne fortune ! Nos cousins polonais ne sont pas en reste. Une vieille chronique – du temps où le royaume allait jusqu’en Petite Russie (l’actuelle Ukraine) mentionne une tradition du même genre. Au cours du repas de noces, la belle-mère jetait sur la tête de son nouveau gendre, des noisettes et de l’avoine, en incantation à une fertilité tous azimuts.

Le coudrier, cet arbre de la fertilité, est parfois devenu celui de la débauche, de l’incontinence et de la luxure. C’est pourquoi de nombreux chants folkloriques allemands l’opposent au sapin, arbre de la constance. Les vieux grimoires allemands du Moyen Âge mentionnent très souvent la même nature de la baguette de coudrier, indispensable au sourcier comme au chercheur d’or. Cherchez une image, hauteur braguette ! La baguette de bois rigide… plonge dans le ventre nourricier de la terre mère, la féconde alors et fait paraître… l’eau et les métaux ! La chrétienté a repris de beaux restes païens !

De la dépravation des mœurs à la diablerie, il n’y a qu’une volée de balais maléfiques. Et, toujours et seulement, les femmes en cause. Un exemple, presque au hasard. En Hesse, les minutes d’un procès en sorcellerie – en Allemagne ils furent les plus nombreux d’Europe – indiquent qu’en 1596, pendant la nuit de Walpurgis, une sorcière avait battu une vache avec la baguette du Diable… et obtenu du lait toute l’année.

Diables de femmes ! Mais pourquoi donc les hommes y succombent ils encore ? Pour la précédente, il faut y voir -encore une fois ? – la main de la perfide et prude Albion puisque Walpurge… était une religieuse anglaise du Devon (VIII ème siècle), partie évangéliser la rude et envoûtante Germanie.

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