Brève recette

Qui peut dire que l’Antiquité était rétrograde ? Elle pratiquait déjà la concision – mais sans l’ellipse contemporaine – avec le « tout-en-un » si prisé aujourd’hui. Incrédule ? Lisez plutôt :

Lopadotemakhoselakhogaleokranioleipsanodrimypotrimmatosilphiokarabomelitokatakekhymenokikhlepikossyphophattoperisteralektryonoptekephalliokinklopeleiolagōiosiraiobaphētraganopterygṓn.

En un mot de 181 lettres, tout est dit ! Rassasié ? La recette, car s’en est une, tient dans le seul mot que vous venez essayer de lire. Elle est tirée d’une des plus vieilles cuisines d’Europe. Mais, épicurien et gourmet, préféreriez-vous la version originale ? Pour les apôtres des humanités grecques, ça s’écrit aussi simplement que ça se prononce :


οπαδοτεμαχοσελαχογαλεοκρανιολειψανοδριμυποτριμματοσιλφιοκαραϐομελιτοκατακεχυμενοκιχλεπικοσσυφοφαττοπεριστεραλεκτρυονοπτεκεφαλλιοκιγκλοπελειολαγῳοσιραιοϐαφητραγανοπτερυγών


Vous pensiez que seuls les Allemands avaient l’exclusivité des mots à rallonges emboîtées, comme les Gallois avec leurs noms de villages desservies par le train ? Perdu ! Les Grecs remportent la palme… dont ils sont aussi l’inventeur. Depuis des siècles, c’est le mot le plus long connu !

Ça vous rappelle quelque chose ? Vous êtes alors helléniste ! Oui, bien sûr : l’Assemblée des femmes, la comédie d’Aristophane. En un mot et sur six vers et demi, il annonce une fricassée de poissons, viande, volaille et sauces, fait de 17 ingrédients aigres et doux, dont cervelle, vinaigre, concombres, tranches de poisson, raie, requin-chabot pourri, silphion [sorte de ferula], crabe, aigle, fromage, miel coulant, grive, merle, pigeon ramier, pigeon biset, poulet, tête rôtie de grèbe castagneux, lièvre de mer, vin nouveau bouilli, fruits de dessert, ailes et nageoires. Bref un plat unique et complet ! En clair et « franchouillardisé », cela donnerait quelque chose comme :

« On va vous servir du bigornocabillofricandortolangoustabricobouillabopoulaupococovin !
Envoyez le babaoromsteckopommelettaularfricassécrevissalmid’perdridalouet’ceteratirelarigot ! »

Mais pourquoi une telle recette ? La cause est toujours d’actualité : l’aspiration des femmes à la gynocratie qui cherchent à s’emparer du pouvoir politique en essayant d’instaurer la parité. Le problème est vieux comme un monde pas pressé de le régler. Alors, pour forcer le destin, elles créent un plat unique de toutes les saveurs en vogue pour en faire un mets qui puisse satisfaire les goûts de tout le monde. Mais là, vous connaissez les limites du système, rien qu’en famille !
Vaine ambition ?
« Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ! » dira plus tard Guillaume d’Orange.


Καλή όρεξη ! (Kalí órexi)

Pardon ! Je voulais dire « Bon appétit !»

Patrick DESAINT
Patrick DESAINT

Membre éminent de l’ARAI, Patrick DESAINT est un fervent Europhile qui passe beaucoup de son temps à Bruxelles

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