Vœux d’espérance pour 2021

Raids, road trips, trails, marches, campagnes, pèlerinages… Quels rêves n’avons-nous pas faits depuis bientôt une année ? De confinements en restrictions de déplacements, de nettoyage de maisonnée en condamnation à l’oisiveté, quelle mesure du temps n’avons-nous pas essayée ? Autrefois, le noble cherchait à se déplacer quand c’était interdit. Maintenant, la roture s’y essaie aussi. Victoire de la démocratie ?

Le déplacement sur de longues distances est consubstantiel à l’homo sapiens – il a progressivement colonisé l’ensemble du globe – pour s’accélérer dès le néolithique. Par soucis de protection à bon marché, la plupart des politiques de la planète font semblant de l’avoir oublié ! Des fois que le vulgum pecus se prendrait pour Alexandre le Grand, Darius, Claude (avant Guillaume-le-Batard, il avait réussi la conquête de la Britannie) ou Magellan ! Ne circulez plus, il n’y aurait rien à voir ! Voire ! Souvenez-vous, il y a quelques semaines, courir le monde se réduisait à chercher sa baguette de pain avec un ausweis !


Les autorités de santé, à moins que ce ne soit que la santé autoritaire, ont ignoré que le voyage fortifie la mémoire. Remplir un carnet de voyage revient donc à la mode. Même longtemps après coup. Le grattage du papier est souvent plus propice à l’extension de la réflexion que le dépôt digital d’un message à la pérennité incertaine. Voyager en ravivant les souvenirs de déplacements est devenu la seule possibilité du mouvement immatériel. Faire le « Grand Tour » est maintenant réservé aux politiciens et hommes d’affaires, armés de leur passeport de responsabilités. Ce n’est pas de sitôt que pourront s’exprimer de nouveaux Marco Polo, Jules Verne, Robinson Crusoé ou Christophe Colomb ! Le simple quidam a vu son univers se rétrécir à un kilomètre. Le Prince a daigné aller jusqu’à vingt pour juguler la désobéissance des manants. A cette distance, point de divine surprise, sauf un coronavirus embusqué. Comment la jeunesse peut-elle parfaire une éducation dans un tel périmètre ? Heureusement que Goethe et Alexandre Dumas ne sont pas nos bridés de contemporains ! Que de belles pages d’évasion aurions-nous manquées ! Une lueur d’espoir quand même avec le maintien du programme Erasmus – mais plus pour les évadés de l’Europe : Bye, compleat gentleman ! – qui continue d’assurer sa mission quasi-évangélique. Clin d’œil à la peregrinatio academica – la pérégrination académique – des étudiants médiévaux qui se déplaçaient d’une université à l’autre… jusqu’à ce que les barrières confessionnelles et étatiques, puis la disparition du latin comme lingua franca, la firent disparaître pendant plus de quatre siècles. Heureux retour en grâce du Junkerfahrt ou Cavaliertour de nos cousins germains.

Par les temps qui courent, on oublie un peu vite que le voyage a une fonction sociale. Son but n’est pas d’aller voir autre chose, d’aller se forger une culture propre, mais d’aller voir ce qui devrait être vu pour se forger une culture commune. Pendant et après. Entre rencontres des autres d’un moment et connaissances de ses familiers de toujours. Mais comment remonter aux sources de la convivialité, un masque sur le nez et la bouche ? Pour le moment, prenez encore soin de vous et restez couverts ! Mais plongez dans vos souvenirs pour nous faire part de vos anecdotes, drôleries ou aventures ! L’évasion commence là !

Patrick DESAINT © ULS 01-01-2021