Le vendeur de cravates à la sauvette triomphe en expectorant un « Joyeux Noël ». Pleinement satisfait d’avoir emporté le morceau, il met fin à un mauvais et interminable feuilleton. Bravo l’artiste ! Mais Boris Johnson n’est pas Jonathan Swift. Lamentable truisme en vérité puisque le premier n’est qu’anglais alors que le second est irlandais. Pourtant nous sommes déjà au prologue de « Nouveaux Voyages de Gulliver », l’original ayant été écrit au moment du krach de 1720. Puisse le nouveau Swift au petit pied voir les leçons du grand Swift et de sa transposition littéraire : à l’accroissement rapide des richesses par spéculation suivit leur miniaturisation aussi violente… et le ramener à sa juste dimension historique, celle d’un accident de parcours.
Tout est prévu, dit-il… mais comment croire un politicien sans foi qui ment à son peuple et se targue de pouvoir ne pas respecter des accords internationaux, au grand dam de son propre parlement ? La partie était inégale : la droiture ne l’emporte jamais dans l’instant sur la forfaiture. Et puis, négocier dans la langue native de son adversaire, c’est avancer en terre inconnue avec un handicap. Mille pages de traité, ce sont, à 2 500 signes par page, 500 mots en moyenne et donc en tout près de 500 000 mots composant autant de chausse-trappes linguistiques derrière des silences frauduleux… au détriment de ceux qui seront invités à régler l’addition, britanniques comme européens. Un comité d’experts internationaux tranchera les conflits, donc par dessus la tête de la Cour Européenne de Justice. And last but not least, en noir sur blanc, immunité totale des écarts de conduite pendant les quatre premières années. Pour faire bon poids sur la balance truquée, une honteuse « clause de revoyure » annuelle retire toute solidité à l’accord conclu. Nouvelle victoire des «Nowhere » contre les « Somewhere » ! En perspective, de nouveaux et interminables combats comme entre Lilliput et Blefuscu, sans doute plus graves que ceux causés par ce roi qui voulait imposer le côté par lequel devaient être cassés les œufs à la coque ! Ça vaut bien la forme des bananes de la campagne électorale des Conservateurs ! BoJo le Clown jaune a prévu de nouveaux épisodes pour une Europe qui s’ennuie dans sa pandémie. Toutefois, il a oublié la fin de l’histoire : Gulliver entreprend un deuxième voyage et se retrouve à Brobdingnag… et cette fois-ci… il devient minuscule !
Pour l’instant l’Europe des Marchands vient de l’emporter contre l’Europe des Gens. Les populismes auront beau jeu de crier au scandale d’arrangements dans le dos des peuples. La démocratie ne pèse plus face à l’économie. La première est devenue l’esclave de la seconde où la survie remplace la vie. Gâchis somptuaire ! Faussement démocrate pour son pays, l’Anglais va faire ratifier au forceps son accord : une signature convenue sans examen par manque de temps, l’échéance étant dans cinq jours.
A l’inverse, les technocrates européens soumis aux intérêts des potentats nationaux contourneront le Parlement européen en mettant en ligne un quarteron d’ambassadeurs serviles qui par sécurité ne pourront s’exprimer, non à une unanimité qui pourrait ne pas être atteinte, mais à une majorité qualifiée, inadaptée quant à la nature de la situation. Un viol du Parlement, et donc des citoyens, mais le pauvre n’en est plus à un près ! La tête dans la dinde, le quidam n’y verra rien. Vox Dei versus vox populi ! Le Conseil Européen vient de signer le premier paragraphe de sa condamnation à disparition.
Le Royaume-Uni de Grande Bretagne entré par hasard en Europe voit l’Angleterre en sortir par une dernière effraction. Le Pays de Galles, complice dans la sortie, a depuis changé d’avis, tant il reçoit de fonds européens que ne pourra lui verser son encombrant voisin. L’Écosse et l’Irlande du Nord avaient d’avance refusé l’aventure de la dérive vers le large. Mais chut ! Le lion pense vivre encore parce qu’il bouge : il n’a pas encore vu les blessures qu’il s’est lui même infligé par vantardise. Bojo le Clown triste, ce sera pour plus tard quand il découvrira que l’Empire a disparu depuis longtemps déjà. Pour l’instant il triomphe en dupliquant tous les accords européens. Habile manipulateur de bonneteau, il n’a pas fini de tromper son monde, jusqu’au jour où…
D’ici là, jusqu’au revoir… la rage au cœur.
Patrick DESAINT © ULS (Bruxelles) 26-12-2020
Pour ceux qui veulent approfondir le sujet, voici une mine d’informations pointues collectée par des connaisseurs de la société britannique :
Observatoire de la société britannique (openedition.org)